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19 mai 2011 4 19 /05 /mai /2011 13:34

 

Préambule :

 

Cet article est exceptionnellement long pour un document "en ligne". La complexité du sujet et mes capacités personnelles limitées ne m'ont pas permis de traiter ce thème de manière plus concise. Je pense d'ailleurs ne pas avoir été suffisemment précis. Pour ceux qui voudraient compléter cette lacune, je mets à disposition, sur demande, et sous forme dématérialisée, les différents dossiers et études que j'évoque dans cet article. Je recommande plus particulièrement le dossier de presse de 2008 de l'INSERM sur le lien entre environnement et cancer, ainsi que l'étude de 2007 sur les perturbateurs endocriniens. Ces deux documents ont l'avantage d'être courts (une dizaine de pages) et d'être destinés à un large public.

 

Pour ceux qui n'ont pas l'envie de lire l'ensemble du texte, la conclusion peut jouer le rôle de résumé.

 

Pour finir de vous décourager de lire l'article jusqu'à son terme, je précise que le sujet n'est pas très réjouissant. C'est parce que j'ai deux petites filles que j'ai voulu me constituer mon propre avis sur la question et que j'ai consacré tant de temps au sujet.

 

Ma conclusion personnelle est que l'on envoie en prison pendant plusieurs années des citoyens avec beaucoup moins d'élements pertinents à charge. Les lobbies industriels semblent avoir des avocats très compétents ou alors des juges ( qui dans ce cas sont nos politiques) moins intransigeants.

Je m'étonne également du manque d'objectivité dans la formulation des faits par les agences "indépendantes "notamment dans les dossiers de presse. Le titre de mon article,  illustre mon propos, là où le communiqué de presse de l'INSERM insistait sur la baisse de la mortalité par cancers (nouvelle positive qui indique que tout va dans le bon sens et qu'il ne faut rien charger), j'ai volontairement mis en avant l'aspect négatif de l'étude. Un titre objectif devait évoquer les deux aspects.

 

N'oubliez pas : "le monde est dangereux à vivre. Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire". 

Albert Einstein

 

  Bonne lecture et bon courage

 

 

Baisse du taux de mortalité par cancer :

 

Un rapport de l'Institut National du Cancer de novembre 2010 a donné lieu en fin d'année 2010 à un communiqué de presse qui se réjouissait de la baisse du taux de mortalité par cancer. Le taux de mortalité par cancer des hommes a baissé de 22% en 20 ans et de 14% pour les femmes. L'âge médian (qui divise la population en deux parts égales) du décès pour les hommes est de 45 ans pour le cancer des testicules et de 80 ans pour celui de la prostate. Pour les femmes, l'écart est moins marqué : 64 ans pour le col de l'utérus contre 81 ans pour le cancer de la vessie.

Deux facteurs vont influencer le taux de mortalité : l'incidence (c'est à dire le nombre de personnes atteintes d'un cancer) et la létalité (le nombre de personnes qui vont succomber à leur maladie). Un autre aspect de l'étude a été relayé par la presse : c'est les inégalités qui existent selon les régions. Ainsi, le Nord-Pas-de-Calais possède des taux de mortalité supérieurs de 20% aux taux nationaux.

Par contre, si la presse s'est félicitée de la baisse du taux de mortalité par cancer, elle a omis de souligner que les taux d'incidence continuent d'augmenter : + 14% pour les hommes et + 17% pour les femmes. La baisse du nombre de décès par cancer est une bonne nouvelle. Mais l'autosatisfaction me semble exagérée compte tenu de l'augmentation continue des taux d'incidence. La maladie reste une véritable souffrance physique, psychologique et sociale. Celle-ci ne se limite pas au malade mais à l'ensemble de son entourage. Pour cette raison, le taux d'incidence me semble être un élément plus pertinent pour mesurer « notre satisfaction » face à la « guerre » contre le cancer.

 

Augmentation des taux d'incidence :

 

Pour les hommes, sur ces 10 dernières années, le taux de mortalité par cancer a baissé de 16% alors que dans le même temps, le taux d'incidence a augmenté de 14%. Pour les femmes, le taux de mortalité a baissé de 8% et le taux d'incidence a augmenté de 17%. Ce qui est marquant ce sont les cancers dont l'incidence augmente (entre parenthèse l'augmentation du taux d'incidence puis l'évolution du taux de mortalité en taux standardisé) :

 

Pour les hommes :

prostate (+115%; -21%)

LMNH (+5% ; -17%)

Système nerveux central (+4%; -5%)

testicules (+31%; +0%)

thyroide (+83% ; + 0%)

myélome multiple ( +21%; +5%)

mélanome (+21% ; +14%)

 

Pour les femmes :

sein (+23%, -13%)

thyroide (+81%; -25%)

LMNH (+11%; -21%)

système nerveux central (+4%; -5%)

larynx (+25%; 0%)

mélanome cutanée ( +23%; +0%)

myélome multiple ( +12%; +0%)

maladie de Hodgkin (+32%; +0%).

poumon (+73% ; + 51%).

 

La plupart de ces cancers sont dits hormonodépendants et donc pour la plupart susceptibles d'être « favorisés » par des facteurs environnementaux et par les perturbateurs endocriniens.

 

On refuse d'accuser les substances chimiques :

 

Le rapport du comité de prévention et de précaution dans son rapport sur les perturbateurs endocriniens, publié le 19 décembre 2003, indiquait déjà une liste de substances produites par l'homme dont on reconnaissait déjà l'effet sur le système endocrinien: le bisphénol, les nonylphénol, certains pesticides (DDT, dieldrine, endosulfan, métoxychlore, …), les dioxines, les PCB, les retardeurs de flamme polybromés, etc...

Seules certaines de ces substances sont interdites.

 

En 2008, un rapport de l'INSERM sur le lien entre cancer et environnement étudie 9 cancers dont l'incidence augmente depuis des années. L'étude précise que « les modifications de l'environnement pourraient être partiellement responsables de l'augmentation constatée ». Il est précisé plus loin : « l'évaluation de l'impact des facteurs environnementaux reste limitée dans un bon nombre de cas, en raison d'une absence ou d'une insuffisance de données permettant de quantifier les expositions sur les populations. L'évaluation des effets des expositions chimiques à de faibles doses doit encore progresser ».Mais, aucun autre facteur est avancé pour expliquer l'augmentation de ces types de cancers.

L'exemple des pesticides est marquant de cette volonté d'inaction ou d'action très mesurée.

 

L'exemple des pesticides :

 

Le rapport de l'INSERM de 2008 précise que « des études en populations agricoles suggèrent leur implication (des pesticides) dans les tumeurs cérébrales et les cancers hormono-dépendants (prostate, sein, testicules, ovaire). Chez l'enfant, l'utilisation domestique de pesticides pendant la grossesse et l'enfance est régulièrement associée aux leucémies et à un moindre degré aux tumeurs cérébrales ». Ces deux types de cancers étant ceux qui augmentent chez les enfants. L'étude pour justifier ses propositions modérées à l'action (réduire l'exposition aux pesticides) précise plus loin : « la plupart des études souffrent cependant d'une forte imprécision sur l'exposition aux pesticides, souvent réduite à la notion d'utilisation ». « Les pesticides sont retrouvés dans tous les compartiments de l'environnement et peuvent donc conduire à une exposition de la population générale par les aliments, l'eau de boisson, l'air intérieur et extérieur et les poussières de la maison. Les données sur les risques sanitaires liées à ces contaminations demeurent trop parcellaires pour pouvoir être prises en compte dans la définition des seuils dans les différents milieux. »

Ce cas montre l'aberration de la situation. Les autorités sanitaires ne contestent pas le fait que les pesticides, dans leur ensemble, sont responsables du développement de certains cancers et de certaines maladies. Mais, ils ne prévoient pas d'agir car on ne peut pas désigner lesquels de ces pesticides sont les responsables, à partir de quel seuil d'exposition et par quel canal ils nous intoxiquent! Ces canaux étant tellement nombreux. Le pire c'est que l'étude concède que les pesticides sont tellement partout qu'il est difficile, voir impossible, de désigner les coupables. Entre les interdire tous et aucun, le choix est très vite effectué, certainement sous la pression des industriels et le soucis de réélection des politiques au pouvoir. L'étude sur les enfants renforce l'inquiétude sur cette situation.

 

Silence! On intoxique … nos enfants :

 

Le bisphénol A vient d'être interdit dans les biberons. Il est une des substances que l'on a pu identifier comme ayant un effet sur le système endocrinien. Et, cette substance « paye »pour toutes les autres car il existe un substitut industriel au bisphénol A. On espère ainsi calmer les « lanceurs d'alerte », on montre à la population que l'on agit et on ne pénalise pas les industriels.

Une étude de l'INVS sur les cancers des enfants en France indique qu'aujourd'hui 1 enfant sur 440 est victime d'un cancer avant l'âge de 15 ans, dont la moitié avant 6 ans. L'étude précise que l'incidence globale est plus élevée que celle publiée par les registres régionaux pour la période 1990-1999. Pour justifier cette augmentation des cas de cancers (leucémies, lymphomes, tumeurs du système nerveux central), l'étude évoque l'amélioration de la méthodologie d'enregistrement, voir une amélioration des techniques diagnostiques. Aucune autre explication n'est avancée, ni même suggérée.

Pourtant en 2004, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) indiquait lors d'une étude sur les cancers infantiles des européens sur 30 ans que les cancers ont augmenté significativement de 1 à 1,5% par an sur la période! Les cancers des enfants ne sont pas les seuls symptômes générés par les perturbateurs endocriniens.

 

Malformations et puberté précoce :

 

Dès 2001, le Professeur Charles Sultan, endocrinologue pédiatrique au CHU de Montpelier tire la sonnette d'alarme car il constatait dans son service une augmentation importante de malformations uro-génitales chez les garçons nouveaux nés et plus particulièrement chez les fils d'agriculteurs. Il met en cause l'exposition aux pesticides.

Une étude américaine démontre le lien entre puberté précoce et les teneurs en substances chimiques dans les urines de jeunes filles âgées de 8 et 9 ans. Les substances incriminées sont certains phénols et des phtalates.

Charles Sultan perd patience car « en dépit de ces preuves et arguments, il n' y a pas de traduction politique de notre inquiétude ». Gilles-Eric Séralini, professeur en biologie s'indigne du fait que l'épidémiologie n'étudie pas les effets à retardement, ni celui des cocktails de produits. Et il précise que les agences réglementaires sont hors du coup. Charles Sultan a démontré l'effet à retardement pour le distilbène : les petites filles des grands-mères ayant pris du distilbène ont 40 à 50 fois plus de chance de développer une malformation de l'urètre que les autres filles de leur âge. L'effet cocktail commence seulement à être étudié. Celui-ci met en évidence des conséquences « exponentielles » des expositions aux substances toxiques. Par exemple, l'effet de trois substances ne serait pas multiplié par 3 mais par 7 par rapport aux effets engendrés par une seule de ces substances. Très inquiétant lorsque l'on retrouve plusieurs dizaines de substances toxiques dans le sang du cordon ombilical et dans le sang des jeunes enfants.

Le journaliste Yves Calvi s'étonnait récemment dans une de ses émissions des conséquences sanitaires des allergènes. Les intervenants qu'il avait conviés estimaient que le nombre de jeunes européens allergiques passera dans les 10 prochaines années de 1 sur 3 à 1 sur 2. En essayant d'en faire une interprétation politique (selon ses termes), il concluait, très étonné, que les écologistes politiques ont raison.

 

Conclusion :

 

Le nombre de personnes atteint d'un cancer en France ne cesse d'augmenter : 1 homme sur deux et 1 femme sur trois. Heureusement, la prise en charge plus efficace de la maladie permet de diminuer le taux de mortalité. Mais, la maladie n'a pas besoin de tuer pour demeurer une réelle souffrance pour l'ensemble des membres de la famille. Une observation internationale des cancers des migrants montrent que le cancer est une maladie des pays considérés comme développées économiquement. Son origine, comme les maladies neuro-dégénératives, provient davantage de l'environnement au sens large que des facteurs génétiques. L'augmentation des cancers hormono-dépendants et des cancers des enfants démontrent un lien entre augmentation des cancers et expositions à un ensemble de substances chimiques fabriquées par l'homme. Les données actuelles et surtout l'omniprésence de nombreuses substances dans notre environnement ne permettent pas d'identifier précisément les substances responsables. Mais est-il seulement possible de le faire et à quel coût? Peut-on justifier l'inaction devant l'absence de coupables identifiés?

L'effet cocktail commence à être démontré, celui-ci participe avec la « fenêtre d'exposition » ( une dose donnée de produits n'aura pas les mêmes effets sur un foetus que sur un adulte) à décupler les craintes de nombreux médecins et spécialistes. Le problème est que nos enfants sont exposés dès le stade foetal à des substances chimiques toxiques de plus en plus nombreuses et de plus en plus importantes. Ce stock de substances va s'accroître (celles-ci stagnant dans les tissus adipeux) rapidement dès le plus jeune âge car l'ensemble de notre environnement est contaminé : nos eaux, nos sols, nos airs intérieurs et extérieurs.

Quelque soit l'importance du rôle des perturbateurs endocriniens dans l'épidémie de cancer actuelle, il semble avéré que si nous ne prenons pas rapidement des mesures plus strictes pour limiter l'utilisation et la diffusion de ces substances dans notre environnement et dans nos corps, toute mesure de prévention future aura un effet limité.  Et même si les publicitaires nous promettent de soigner prochainement un cancer comme une grippe, je pense qu'ils pensent davantage à leurs futurs profits qu'à la santé de nos enfants.

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